La course autrement après une blessure, du cross à la piste en passant par le Bike and Run



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par Agnès HERVE, Team Outdoor Poli

2 24 mois sans courir du tout après une vilaine blessure qui a du mal à partir et qui, après ces quatre mois d’inactivité, empêche de s’entrainer normalement même quand on a le feu vert médical pour rechausser les chaussures de running. C’est vrai, qu’au premier abord, cela peut paraitre super frustrant. Mais se morfondre en ruminant dans son coin, n’est pas forcément la meilleure chose à faire dans ces cas-là. Bon, c’est souvent plus facile à dire qu’à faire, je vous l’accorde. De toutes façons, soyons lucide, après 4 mois d’arrêt total, il faut se faire une raison. Ce ne sera pas demain matin qu’on va aller taper son record sur 10 kilomètres, faire des miracles sur une séance de piste ou faire une sortie de 3h en foret sans en baver secos…. Alors, autant prendre le plaisir là où il se trouve….

Déjà, c’est, quelque part, très plaisant, de tout reprendre à zéro en apprenant de ses « erreurs » passées et en adaptant tout cela en fonction de la gène toujours présente de la blessure convalescente. Tu te remémores alors ton premier « footing » avec alternance marche course : 5min de marche, 5 minutes de course, 5 minutes de marche, 5 minutes de course…. Puis, tu as la joie d’augmenter la fraction courue à 10 minutes en diminuant la fraction marchée (d’ailleurs c’est quand même mieux ainsi car, en décembre dans le Morvan, il caille sévère et, en marchant, tu prends froid en tee-shirt!!!)… Puis, en janvier, le premier footing de 30 minutes non stop. et là, c’est comme il y a 20 ans, avec cette petit phrase que tu te dis tout bas dans ta tête  : « je l’ai fait! »…

11L’avantage également, dans ces moments là, c’est que tu n’as pas besoin de cogiter sur la séance à venir car tu n’as pas de plan. La gène étant encore présente certains jours où tu passes ta journée à piétiner au magasin sans t’assoir une seule minute, cela ne sert, en effet, à rien de prévoir telle ou telle séance intégrée dans un plan d’entrainement bien chiadé. J’ai préféré rester à l’écoute de mon organisme par rapport à la gène et organiser mes sorties au fil des jours. Avoir un plan et ne pas suivre les séances parce que tu ressens la douleur ce jour là, ne ferait qu’engendrer de la frustration et en cette période de reprise, j’ai juste besoin de profiter pas de me sentir brimée… Du coup, cette absence de planification ouvre d’autres opportunités….

Comme celle d’aller faire les départementaux de cross en ayant juste 3 sorties de course à pied dans les guiboles…. Chose que je n’aurais jamais imaginé pourvoir faire, tant le cross est synonyme de compétition et de préparation spécifique pour moi. Le cross : la discipline de la course à pied que je préfère (bon, après le jour où je vais refaire du duathlon, je dirais la même chose… et le jour où je me trouve au pied d’un col de Montagne que j’ai décidé de monter par la route, je vais dire que c’est ce que j’aime le plus dans notre sport, j’avoue….) Mais, bon, le cross, quand même, c’est l’école de la course. Là où tu ne peux rien lâcher sans qu’une dizaine de nénettes te passent, là où toutes les athlètes de toutes les disciplines différentes, route, piste, trail, se retrouvent… Là où tu prends une grande leçon d’humilité, même hyper affutée et hyper entrainée pour ce grand rendez-vous de début d’année, en sachant pertinemment que de toutes façons, là, le podium, faut juste oublier!

08Mais là, avec le recul de tes 20 ans de pratique de la course – eh oui déjà… – , tu te dis que, de toutes façons, ce serait idiot de te priver de cette ambiance indescriptible du cross. Allez, on va aller se faire plaisir – sans rien lâcher hein, pas en mode touriste quand même, faut pas pousser  ;) – et on va profiter de ce qu’on a à profiter. Résultat de ce premier cross départemental : 6.5 kilomètres en apnée totale dans la boue avec plein de montées et descentes qui ne me facilitent pas la tâche avec ce manque d’entrainement évident…. .

6.5 kilomètres rouge comme une tomate, si rouge que les spectateurs me voyant dans cet état, ne pouvaient s’empêcher d’avoir pitié de moi – j’imagine d’ici ce qu’ils ce disaient une fois que j’étais passée : « celle-là, elle ne va pas finir la course…. » Je crois qu’en 10 ans de cross, je n’ai jamais été autant encouragée que ce jour-là… je me souviens particulièrement de ces « allez, courage, c’est bientôt la fin« ….ou d’autres petites phrases du même genre, alors qu’il restait encore plus de la moitié de la course à faire… Jonathan me dira que j’étais, de loin, la plus rouge du peloton…. et moi, je me dis que cela faisait longtemps que je ne m’étais pas fait aussi plaisir avec des chaussures de running au pied!

10A peine le temps de récupérer quelques jours pour que la gène occasionnée à ma fesse et ma jambe droites par le cross se résorbe et, voilà, que ton homme te dit qu’un collègue à lui fait le Bike and Run de Versailles, dont le départ est donné ce dimanche-là, juste à coté de la maison… Le Bike and Run! Wahou. Ça aussi c’est trop TOP! Ça me rappelle des supers bons souvenirs. D’ailleurs le Bike and Run du Roi, je l’avais gagné en mixte il y a 7 ans… et je n’en avais jamais refait depuis cette année, car pas intégré dans le plan pour tel ou tel objectif… Mais bon, là, ça tombe bien, un plan, je n’en ai pas! Allez, aussi tôt proposé, aussitôt inscrits : c’est l’occasion où jamais….

09Bon, j’avoue quand même que le lendemain de ce coup de folie, quand je reçois un mel de mon cher et tendre me donnant les forces en présence chez les équipes mixtes, je commence à flipper grave. Les filles tournent fort en 35/36 sur 10 kils, ça ne rigole pas! Vous le croirez ou non, j’ai même rêvé, cette nuit-là, de Laurence Boccolini me pointant du doigt entre les deux tours, en me désignant comme « vous êtes le maillon faible du Duo, au Revoir« … Rajoute à cela le stress d’avoir un vélo trop grand pour toi – déjà que t’es une bille en VTT – et trop petit pour lui… et de te demander comment tu vas faire pour le rattraper avec cette machine géante alors qu’il court à 20 kil/h et qu’il y a plein de champs de patates à traverser….

12Le jour J, il neige, il caille, on est à la bourre alors que le départ est à 2 minutes de la maison. Arnaud est là pour assister à ce triste spectacle et nous encourager ;)… Je me fais dépasser 20 fois par la même nénette à laquelle je m’accroche, quand même, le plus longtemps possible. Ton coéquipier revient devant 20 fois de suite … et  finalement, grâce à notre stratégie bien au point, mais non sans avoir entendu à maintes reprises la voix cassante de Laurence, tu remportes le duel contre l’autre équipe mixte, évitant ainsi la médaille en chocolat….Troisième, Youhouuuuu trop bon! Comme quoi, finalement, cela a du bon, le retour de blessure : je n’aurais jamais fait ce Bike and Run sinon…. Et quand tu apprends, après quelques recherches sur le web, que la miss qui t’a valu les remontrances de Laurence Boccolini est juste la vice Championne du monde de triathlon sprint U23 et athlète pro, tu te dis que finalement, t’es pas si mauvaise que ça! Surtout avec un vélo de 2 mètres de haut à piloter!

13Cette troisième place sur la boite du Bike and Run en poche, tu enquilles sur les différents tours de cross. Les régionaux…. youhouuuuu qualif! Merci les gros cuissots qui aiment bien la boue! J’ai eu beaucoup de chance et j’ai pris beaucoup de plaisir! Les LIFA!!!! YOUHOUUUUUUUUU Qualif aux France!!!!! La grande classe! Les France, pour une crosswoman, c’est le Graal! Et pour moi aussi! Surtout avec le peu d’entrainement…. Toujours un grand merci à la boue et à mes gros cuissots de traileuse, qui, s’ils m’empêchent de rentrer dans les jean slim à la mode sous l’oeil déconcerté de la vendeuse à qui tu apprends qu’il te faut un jean « bold curved » pour rentrer tout ça, t’offrent, mine de rien, un petit billet pour Le Mans… Je suis vraiment contente….

Et puis, un soir, 04en lisant ma boite mel, j’y découvre le message de Thierry de l’UAVersailles qui propose aux athlètes Master du club de faire les Championnats de France Master Indoor sur piste… J’ai rien de prévu vu que j’ai pas de plan… Alors pourquoi pas??? Un 3000m Indoor je n’ai jamais fait! L’occasion rêvée d’aller jouer le hamster sur 15 tours d’une superbe piste bien incurvée. Allez, top-là; c‘est parti! Le samedi soir avant de partir sur Nogent sur Oise, je n’en mène tout de même pas large… J’ai fait quelques séances sur piste depuis ma reprise, et je sais que coté chrono faut mieux pas aller comparer avec ceux des années précédentes. On va essayer de ne pas trop ternir l’image de l’UAVersailles quand même. Je vise un 12 minutes. Jo me convainc de partir sur les bases de 11.45… Ça marche. J’ai une marque en 11.09 datant de 2008 sur une saison passée sur la piste entre deux saisons de trail.

Petit échauffem
01ent en extérieur avant de revenir faire les lignes droites sur le terrain d’échauffement... Puis, c’est l’heure de la chambre d’appel! C’est impressionnant, c’est comme pour les stars! Bon, là, tu poireautes 30 minutes sans bouger… l’échauffement est bien loin mais c’est pas grave, tu profites des copines de cross que tu retrouves ici. Enfin, on nous libère, à peine le temps de faire quelques accélérations et on est appelées sur la ligne de départ une à une. Pied derrière la ligne! Pan! La piste est superbe avec des virages bien incurvés, c’est vraiment rigolo de courir la dessus. Je suis en milieu de paquet quand on finit le premier tour que l’on pointe en, coup d’œil sur le chronomètre affiché dans le virage, 42 secondes!!! Euh là, si je ne ralentis pas, je vais exploser en vol! C’est qu’il faut encore en faire 14 comme cela des tours. Je ralentis, toutes les filles, sauf ma coéquipière de l’UAVersailles, me doublent illico. Je me retrouve bonne avant-dernière donc…

2016-02-20 19.42.30Et puis, au fil des tours, je remonte et je double. Je n’ose pas trop accélérer même si je me sens relativement facile. C’est assez déconcertant cette piste de 200m. Je finis en 11.30.52 pas vraiment entamée. C’était vraiment TOP. Et le jeu des catégorie Vétéran fait que je me retrouve Vice Championne de France Master F35! Bon, quand tu annonces ça, tu n’as pas intérêt à annoncer ton chrono qui ne casse pas 5 pattes à un Hamster! Mais bon j’y étais, je l’ai fait et je me suis bien amusée!

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07Dernière étape de cette série de courses sans véritable entrainement : les France de cross. Là, tu y vas dans le même état d’esprit. Y être cette année est juste inespéré alors tu y vas pour en profiter. Sauf qu’aux France, avec cette mentalité là, bah, tu vas vite te rendre compte que cela ne marche plus. Fini le monde des bisounours, finis les grands sourires entre copines. C’est l’heure des coups dans le dos, des coups de coudes, des coups de pointes et des tirages de maillots entre 585 nénettes complétement déchainées et ce, même avant que le coup de pistolet ait été donné. Dès le sas, tu manques de te faire écraser une bonne dizaine de fois. Et après, une fois, les folles furieuses libérées, c’est le carnage. Et moi, avec ma mentalité du moment, je n’arrive pas à me battre comme ça. Je me retrouve vite en fin de peloton, me faisant malmenée à force de coup de coudes et de pointes. Rien à faire, je n’arrive pas à me battre.

30Et quand je me réveille après 300 mètres, il reste seulement une grosse centaine de filles derrière moi. Je vois devant des filles que je connais et qui finissent derrière aux LIFA. Je m’emploie pour remonter en zigzaguant entre les filles et en essayant de ne pas tomber dans cette boue qui colle. C’est usant de remonter comme ça. Je remonte tant que je peux mais je finis la troisième et dernière grande boucle épuisée de cette course et je me fais remonter au sprint par les 6 dernières filles que je viens de doubler… L’exemple parfait de non-course! 189ème, mes pires France!!! Moralité, le mode « je profite Bisounours », ça ne marche plus aux France de cross. En 2017, j’enfile la panoplie de Xena la Guerrière et on verra ce qu’on verra!

Allez, ceci marque la fin du cycle sans plan d’entrainement et avec des semaines très light (30/35 kms). Maintenant, on va reprendre le fil d’un entrainement plus codifié en vu de l’objectif sur route début mai, objectif que je m’étais fixé il y a presqu’un an… Plan que je vais me préparer seule en demandant l’avis de mon entraineur sur les séances. Pour le moment, je ne me sens pas assez en confiance par rapport à ma jambe et je veux lui éviter de bosser pour rien sur un plan que je vais nécessairement devoir adapter en cette période post-blessure.  Je n’ai pas envie de lui faire perdre son temps et de me sentir frustrée par rapport à cela. Je veux éviter toute source de pression et continuer quand même un peu en mode « je profite ». Surtout que d’un coté pro également, les choses ne sont pas simples en ce moment avec de gros horaires. J’avais déjà procédé de la sorte l’an passé pour la préparation du marathon de Sauternes alors que je revenais de 3 mois d’ennuis de santé. Cela n’avait pas trop mal marché. L’envie est là, la forme revient, la seule inconnue reste ma jambe…

Premier élément de réponse ce dimanche avec le retour sur le bitume au semi-marathon de Rambouillet qui devait être un semi de prépa et qui se transforme donc en semi-test….et si tout se passe bien, on se retrouvera au marathon de Cheverny couru en duo avec Jo.


Agnès


Merci à Gui Fav, Arnaud et Thierry de l’UAV pour les photos