Guillaume revient sur sa course THE TRAIL via le jeu des questions / réponses

Après son étincelante victoire sur The Trail, Guillaume revient  sur cette épopée de 110 kms à travers les sentiers de l’Yonne. Il nous livre ainsi ses impressions sur cette première édition mais nous dévoile également quelques secrets sur sa gestion de course et ses entrainements.

TT 10Dans quel état d’esprit te trouvais-tu avant le départ ?

J’aime me mettre la pression avant un événement. De fait, je ne rechigne pas à me fixer des objectifs élevés. J’avais annoncé vouloir descendre en dessous de la barre des 10 heures. Ce type de challenge me stimule. En revanche, je ne ressens pas de stress, entendu comme étant une contrainte provenant de l’environnement. J’ai conscience de fixer moi-même mes proches exigences. Généralement, sur la ligne de départ, je suis détendu et apprécie d’échanger avec les autres coureurs.

Est-ce que tu as connu un temps faible ou un temps fort en particulier ?

Je n’ai pas véritablement éprouvé de temps faible. En revanche, sur les trois premières heures de course, les sensations étaient mitigées. Au ravitaillement de Saint Julien du Sault, j’étais un peu éprouvé par la chaleur. Après, la forme s’est améliorée jusqu’à l’arrivée.

Si je dois retenir un seul temps fort, je pencherais sur mon second passage à Villeneuve sur Yonne, à 27 kms de l’arrivée. Après plus de 80km, je ne ressentais aucune fatigue. J’ai pu accélérer sur la fin du parcours.

Comment expliques-tu ta régularité sur la course ?

J’ai l’habitude de diviser un ultra en trois parties. Dans un premier temps, je prends mes repères, me positionne parmi les concurrents et j’essaie de m’hydrater et de m’alimenter suffisamment. Plus le temps passe, plus on éprouve de difficultés à se ravitailler. Je pars sur une allure, travaillée à l’entraînement, que je pense pouvoir tenir sur la distance.

2013 05 06 the trail dans la presse 2Parvenu au 2e tiers de la course, plus que jamais, je suis à l’écoute de mes sensations, j’évalue ma fatigue physique au mieux. A ce moment, je peux soit accélérer, soit décélérer, selon que je sois parti plus ou moins vite. Avoir le courage de modifier son allure à cet instant paraît primordial. Ce n’est pas toujours facile de faire le choix de diminuer sa cadence. Il faut avoir le courage de remettre en cause la vitesse qui a été adoptée jusque-là. Ce changement de rythme est lié à la forme du jour, au profil du terrain, aux conditions extérieures, qu’on ne peut anticiper.

Enfin, sur la fin du parcours, je me déconnecte de mes sensations physiques (stratégie dissociative). Le mental joue ici un grand rôle.  Alors qu’auparavant, je me trouvais sensible au moindre signal de fatigue, à présent, je m’efforce de faire abstraction de mon état de forme. Je me concentre seulement sur l’objectif. De la même manière que les ressources physiques s’épuisent au fil du temps et au fil des courses, les capacités psychologiques à endurer la douleur s’amenuisent au fil des kilomètres. Il faut savoir les préserver, afin de les mobiliser au moment opportun.

Conserver une allure régulière me semble donc lié à trois facteurs :

– Evaluation correcte de sa forme pour anticiper la vitesse à laquelle on pourra courir la distance (avant le départ);

– Analyse de son état de fatigue et variation de l’allure si besoin (fin du premier tiers de course) ;

– Mobilisation des ressources mentales pour maintenir le rythme (sur le dernier tiers du parcours). 

 
2013 05 06 The trail dans la pressA quoi as-tu pensé 10 heures durant ?

Mon attention est focalisée sur l’objectif. J’ai besoin d’avoir un but pour donner du sens à mes foulées, pour me réapproprier les éventuelles douleurs physiques. Durant la course, la plupart du temps, je calcule mes temps de passage, les distances à parcourir entre les ravitaillements, je suis à l’écoute de mes sensations, j’évalue ce que je dois boire et manger pour répondre aux besoins de mon organisme… Bien entendu, je prends le temps de savourer la beauté des paysages que nous traversons. Dans les moments durs, je me raccroche à des pensées positives, souvent liées à des souvenirs avec mes proches.

Au cours des deux premiers tiers de la course je mobilise des stratégies mentales associatives, afin de faire face à la fatigue. Je m’efforce de me réapproprier les douleurs, en donnant un sens positif à celles-ci. Sur la fin du parcours, je privilégie les stratégies mentales dissociatives. Je me retranche dans une citadelle intérieure, où les douleurs n’ont pas le droit de citer. Je tends à faire abstraction de l’effort qui devient de moins en moins supportable.     

Quel est ton prochain objectif ?

Ce sera l’Ultra des Gendarmes et des Voleurs (68km). J’espère avoir bien récupéré de The Trail d’ici là. Il faudra notamment que je me défasse d’une tendinite au pied.

Le plateau sera très relevé. Je m’attends à une course difficile. Il faudra adopter une stratégie de course intelligente pour tirer son épingle du jeu.

Chaque week-end, tu t’alignes sur une course. Pourquoi ? Comment est-ce que tu conciles entraînement et compétition ?

C’est mon mode de fonctionnement. Afin de maintenir une motivation constante, j’ai besoin de me confronter régulièrement à des adversaires. Par exemple, trois jours après The Trail, j’avais bien récupéré et prévu d’accomplir une séance au seuil. J’ai préféré courir la Course du Sanglier (11km) avec les copains, plutôt que m’entraîner seul. Je prends une bonne 3e place. Cela m’a permis de travailler le rythme sur la fatigue, ce qui est excellent.

Par ailleurs, depuis l’an dernier, j’ai pris part à une trentaine de trails, ce qui m’a permis d’engranger une multitude d’expériences ô combien enrichissantes, qui m’aide infiniment à améliorer ma gestion de course. Pour définir mes allures, je peux me baser sur ces courses passées, voilà une aide non négligeable.

L’entraînement par la compétition me paraît plutôt sain. Vu que la semaine, la récupération prime, j’ai davantage de temps à consacrer à la vie familiale. Egalement, au niveau physiologique, cela m’oblige à respecter des jours de repos. A contrario, durant les cycles d’entraînement, j’enchaîne les séances et me repose rarement. En période de compétitions, mon corps a le temps d’intégrer les efforts produits le week-end au cours de la semaine. A l’heure actuelle, c’est un équilibre qui me convient et permet de concilier famille, travail et loisir.

IMG_2837Comment s’est passé ce trail court à seulement trois jours d’un 110 km ? Les Gendarmes et les Voleurs aura lieu le 19 mai. Qu’est-ce que tu prévois d’ici là ?

Mercredi, dans les montées, les cuisses étaient raides et j’avais les ischio-jambiers assez durs. Dès le début, j’ai senti que la course allait s’avérer compliquée. Je me sentais moins dynamique et tonique que d’habitude. Les deux premiers étaient intouchables. J’ai tenu bon pour conserver une place sur le podium. Cela a été une excellente expérience.

Désormais, je vais me reposer, tout en restant actif. Je suis en délicatesse avec mon pied gauche. J’espère être opérationnel pour défendre pleinement mes chances la semaine prochaine. 

 

Nous te souhaitons un prompt rétablissement en espérant que cette douleur au pied ne soit que passagère. Bonne chance pour la suite de ta saison !


Par notre TOP-Chroniqueuse Valessa.