Au TOP pour la Traversée Nord de l’Echapée Belle, par Chrystelle LAMBERT


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La Traversée Nord Echapée Belle, 85 kils, 6000mD+, 7150mD-, samedi 29 Aout 2015 (Station du Pleynet 38)

par Chrystelle LAMBERT, Team Outdoor Paris


1. Préambule

20141201 EBHH 2015 petit formatL’objectif trail de cette année est l’Echappée belle, 85 kilomètres. On a décidé de faire cette course un peu par hasard. On voulait essayer de faire 80kms de trail sur l’année 2015. Or, habituellement la plupart des ultras requièrent des points mais celui-ci n’en demande pas, l’organisateur juge que chacun est responsable de ses actes et doit être capable de juger lui-même s’il est apte ou non à parcourir ce trail.

Il tombe très bien dans notre calendrier. Pour s’y préparer nous avons fait au mois de Juillet la reconnaissance du tour du Mont Blanc sur 3 jours et demi, suivi de l’UTB 48kms avec 4000m D+ en et le trail des Hauts forts entre Morzine et Avoriaz, décidé à la dernière minute 44km et 3000m D+. Avec toute cette préparation, nous pensons être au top pour fin Août.

144L’Echappée Belle se situe dans le massif de Belledone. Cette épreuve est un véritable ultra-trail, 85kms pour 6000m D+. Les sentiers y sont très sauvages et peu parcourus (95% monotraces, 3% pistes, 2% route). Il faut donc aimer évoluer dans cet environnement. Ce parcours présente l’intérêt de découvrir une grande partie de Belledonne NORD de jour.

Quelques mois avant le trail, nous avons eu écho de ce trail mythique :

  • Trail où l’on marche
  • Trail où l’on met autant de temps dans les montées que dans les descentes
  • Des cailloux et encore des cailloux….
  • Plus de 40% d’abandons chaque année
  • il vous faut prévoir de quoi tenir parfois plus de 6h entre chaque ravitaillement pour les moins rapides.
  • Des loups, des patous sur le parcours…
  • Mais un des plus beaux trails de France !!

2. La course!

139Nous voilà donc partis avec Antoine Lesavre, Simon Gérard et Jean Bernard Péridy pour cette petite échappée
dans les hauteurs. Sur la ligne de départ, nous sommes super confiants. Les conditions météo sont très bonnes mis à part une grande chaleur annoncée. Le top départ est donné à 6H00 le samedi 29 Août. Comme chaque début de trail, ça part vite même si la route est longue. Je me rends compte que je pars comme pour un 40k mais cela ne me gêne pas, je reste dans la masse donc je ne m’inquiète pas. Le profil est très raide sur la première partie de course, on part de 1400m pour aller au Col de Merdaret à 1800m, on redescend à 1000m pour remonter à 2500m au Col de Moretan sur seulement 20kms de course.

Le Col de Moretan est très technique et très raide : je suis obligée de finir l’ascension à 4 pattes dans les blocs ! Il est équipé de cordes pour la descente… Je descends tant bien que mal dans les névés puis avec les chaînes dans les parties raides et pour finir dans les gros blocs de pierres… Un peu de plat pour accéder au ravitaillement ! C’est la première fois depuis le début de course que je regarde ma montre : elle indique 24kms et 6h00 de course. D’un coup, mon mental commence à flancher, Je repars après avoir rempli mes gourdes sans m’alimenter car mon ventre ne suit pas…

133Une fois le ravito passé, cela devient plus « roulant » mais la fatigue, la baisse de moral et le mal de ventre m’empêche d’apprécier la beauté du paysage. Je cogite sur un éventuel abandon, la distante restante me semble inatteignable, 20h de course pour 85kms…je n’y arriverai jamais. Je savais qu’il y avait un ravitaillement au 33ème kilomètre Super Collet, j’irai jusque-là au moins. Au 30ème, j’aperçois Simon qui semblait m’attendre tranquillement sur le bord du chemin ! Il me raconte son début de course, il a eu quelques passages délicats mais il veut finir la course à tout prix… Il me raisonne pour ne pas m’arrêter, épatant ! Je ne l’ai jamais vu autant déterminé  J .

137On continue notre route tranquillement jusqu’au ravitaillement de Super Collet. On y est tellement acclamés que cela me donne envie de continuer ! La promenade continue! Avec Simon, on décide d’y aller tranquillement, de profiter du paysage et on a la chance d’être deux et cela n’a pas de prix ! On rigole bien, il me chante la musique de l’UTMB, m’avoue que sa volonté de finir est venue grâce aux nombreux livres qu’il a lu sur les traileurs… Les montées/descentes se succèdent. Voici le Col d’Arpingon où l’on commence tous les deux à dépérir, on fait de plus en plus de pauses…il me dit qu’il n’y arrivera jamais…..on arrive tant bien que mal au refuge des Férices à 45kms de course où l’on marque une longue pause.

(C) Akunamatata
(C) Akunamatata

Les bénévoles sont très sympas, on reste discuter un long moment avec eux, on leur parle de nos doutes sur le fait de continuer la course. On les questionne sur les possibilités d’abandonner au prochain ravitaillement qui est accessible aux véhicules. Pour la première fois dans un trail, je profite de l’ambiance extérieure de la course :  il y a un panorama exceptionnel sur toutes les Alpes depuis la crête. Ca nous donnerait presque envie de rester avec les bénévoles jusqu’à la fin ! Ils nous annoncent qu’il nous reste 8km jusqu’au ravitaillement de Val Pelouse, fin de la course pour moi, c’est décidé ! Simon continuera et il sera finisher ! Il veut tellement porter son maillot finisher Helly Hanson dans Chamonix !!

On reprend la route et, malgré notre rythme de tortue, on double du monde sur le chemin des crêtes. Ce fût un des passages les plus beaux de la course. On rattrape un coureur avec qui nous faisons un bout de chemin. On lance la discussion et il me dit qu’il a fait l’UTB un mois avant et qu’il regrette d’avoir signé pour l’Echappée Belle… Étant du même avis à ce moment, on planifie notre arrêt ensemble au prochain ravitaillement  à Val Pelouse J, s’il n’y a pas de navettes, on fera du stop !

145Simon reçoit des nouvelles d’un ami qui lui dit qu’Antoine a complètement craqué et qu’il est à moins d’une heure devant nous. Simon essaye tant bien que mal de me dissuader d’arrêter. On arrive à Val pelouse et là, surprise Antoine est là !!! Mes premières paroles sont « je m’arrête là », les siennes sont « tu es 3ème, la 4ème est à 26 minutes derrière, on repart tous les 3 et on termine ensemble » ! ça avait le mérite d’être clair J . Après quelques négociations, une longue pause, on repart tous les trois, on tombe sur la 4ème féminine. Mais à ce moment-là, je ne pense même pas au podium. Notre but est simplement de finir, la place m’importe peu. Il nous reste 35kms à parcourir, il est déjà 20h, la nuit commence à pointer le bout de son nez. Antoine n’est pas dans une forme olympique. Après un très bon début de course dans les 15 premiers, il a été pris de crampes intempestives qui l’ont obligé à prolonger les arrêts à chaque ravitaillement.

J’appréhendais de faire la partie de nuit depuis que j’avais lu que des tirs de canons pouvaient avoir lieu pour éloigner les loups des troupeaux. En route, on calculait le nombre de montées et descentes avant l’arrivée. En gros, il reste 4 montées 1400m D+ et 2700m D-. On estime l’heure d’arrivée à 2h du matin… Les premiers kilomètres passent vite, on vient de se retrouver, on échange sur nos courses respectives ! On veut les trois points et on les aura ! Toujours prise de douleurs de ventre, Antoine toujours avec ses crampes, la vitesse est réduite, Simon mène la danse, il se sent bien mais reste avec nous pour finir ensemble ! On regarde de temps en temps derrière nous afin de voir si la 4ème féminine nous rattrape mais pas de lampe frontale à l’horizon. En montée, nous gardons un rythme qui nous permet d’accrocher et de dépasser quelques coureurs. Mais dans la descente, les coureurs nous rattrapent.

(c) Akunamata
(c) Akunamata

Les douleurs se font de plus en plus nombreuses et je commence à perdre ma lucidité. J’avance tant bien que mal…il y aura des hauts et bas jusqu’au dernier ravitaillement où il nous reste 13kms…… On repart du dernier ravitaillement où l’on croise à nouveau la 4ème féminine qui arrive. A ce moment-là, la course est pliée pour moi. Elle monte moins vite mais elle descend très vite. Il reste une petite montée de 400m et une grosse descente de 1000m. Elle va nous rattraper dans la descente c’est certain…. On monte tranquillement, personne à l’horizon alors on songe à trottiner dans la longue descente malgré les grosses douleurs aux cuisses et la fatigue générale…. On fera le reste de la descente sur un bon rythme avec quelques crampes pour Antoine qui l’obligent à réduire le rythme……jusqu’à l’arrivée à environ 3h20 du dimanche matin mais nous sommes FINISHERS !!!! A un peu plus de 21h de course, on sonne la cloche !!!!!!!

(C) Akunamata
(C) Akunamata

Nous apprenons le lendemain les statistiques de la course : sur 297 partants dont 22 femmes, le nombre d’arrivants est de 170 dont 13 femmes. Nombre total d’abandons 127 soit 42,76% des partants… comme quoi les années se ressemblent ! Un grand merci à Simon, à Antoine, sans qui je n’aurai jamais terminé cette belle échappée ! Merci aux copains de la SAM Paris 12 qui nous ont suivis en temps réel et bien sûr à Agnès et à toute l’équipe de Team Outdoor !!

Maintenant, je range les chaussures de trails, le sac et les bâtons pour reprendre une activité un peu plus normale : la route avec le Paris-Versailles, les 20k de Paris et le marathon de Nice Cannes pour terminer l’année 2015.


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 Chrystelle