« dis toi surtout qu’elle ne reviendra pas….. », 45 kils Trail des Maures par Agnès HERVE


Dimanche 1er juin 2014, Collobrières, 45 kils, 2750m D+, organisé par Antoine ALLONGUE et son équipe

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Je me mis donc à monter seul, à pied, à pas lents. J’étais dans une forêt délicieuse, un vrai maquis, un bois de contes de fées fait de lianes fleuries, de plantes aromatiques aux odeurs puissantes et de grands arbres magnifiques. […] J’avais chaud, mon sang vif coulait à travers ma chair, je le sentais courir dans mes veines un peu brûlant, rapide, alerte, rythmé, entraînant comme une chanson, la grande chanson bête et gaie de la vie qui s’agite au soleil.

10255903_4290807606491_4685802632057563712_nCes quelques lignes de Guy de Maupassant et extraites de ses « Récits de Voyages » expriment totalement ce que l’on peut ressentir quand on se retrouve dans les collines surplombant Collobrières, une fois le départ du Trail des Maures pris. Bien entendu, le 6 épinglé sur ma poitrine oblige, je m’efforcerais de rendre les pas les plus rapides possibles en me frayant un passage entre les blocs de granit et les buissons épineux dorés par le premier soleil de l’été. Le départ a été donné à 7h ce matin, les températures étaient alors encore fraiches.

On aborde maintenant la longue montée menant au Sanctuaire de Notre dame des Anges, plus de 500m de dénivelée en 4 kilomètres. Karen et Mélanie devant ont déjà pris la poudre d’escampette lors de la première vraie descente, tels des cabris sautant de pierres en pierres. Juste avant qu’elles ne filent et qu’on était encore toutes les trois, le coureur devant demande si on était les premières femmes…. ça signifie qu’on est sur les bases de 5h30 renchérit-il…. Et Karen lui répondit, fort justement « ça veut surtout dire que ce n’est que le début…. » d’accord, d’accord… Je ne les reverrais plus, il me restait alors à tout donner afin de conserver cette troisième place tout en profitant du parcours authentique et sauvage qui nous était offert….

IMG_0164Me voici donc lancée à l’assaut du point culminant du massif des Maures, armée de mes bâtons dont le cliquetis dans les montées ne me fait pas passer inaperçue mais indispensables pour une parisienne qui a décidé de défier le TDM! Je remonte, ainsi, sur pas mal de coureurs, alternant course est marche sur des chemins en sous bois, puis, plus haut, des sentes flanquées de buissons verts dorés et d’où l’on entrevoit le relai que l’on atteint quelques minutes plus tard. La vue à travers les arbres est imprenable. On aperçoit la mer, même, au loin : grand sourire et le sentiment de bonheur d’être là, tout simplement. Je ne m’y attarderai pas mais j’y reviendrai, à coup sur, pour y admirer la vue plus tranquillement.

Retour a la réalité et le grand sourire se fera plus crispé lors de la descente très technique qui suivit. Surtout rester concentrée. Je cède place, à plusieurs reprises, pour laisser passer les coureurs dépassés un instant plus tôt lors de la montée. Je crois bien qu’ils sont de la même famille que les Dahus les gens d’ici. Il faut les voir aller virevoltant, légers, de pierre en pierre et vite disparaitre au loin. J’en reste admirative… Un jour, quand je serais grande, j’y arriverais… ! En attendant, je descends, doucement mais surement ;) « C’est que le début d’accord, d’accord… »

En attendant, me voici dans le vIMG_2843allon du grand Vallat…. et hop là, les bâtons sont de nouveau sollicités pour partir à l’assaut du Pic des Sauvettes, 400m D+ en 3 kilomètres. Je me retrouve dans mon élément, les pierres de schiste et les buissons mordorés sont, à nouveau, mes amis. Clic clic clic, mes bâtons et moi revenons sur les gars devant qui ne manquent pas de remarquer « tiens vl’a la parisienne » dès qu’ils entendent les cliquetis s‘approcher. La montée est vraiment plaisante, le soleil est maintenant très généreux et une fauvette à tête noire siffle, même, sur la branche d’un arbuste, juste à coté.

_CB61861Mais, je ne m’attarderais pas car c’est à nouveau une descente « dru dans l’pentu » comme ils disent les gens d’ici. « Dru dans l’pentu« …. avec l’accent du sud qui chante. Et même si, au début, tu ne saisies pas trop ce qu’il t’a été dit,   « dru deng lpante hue »  tu comprends vite sur le terrain ;) Je reste concentrée, mais pas vraiment à l’aise sur ces sentes de granit. Mais l’avantage de ces fortes pentes, c’est qu’on arrive – relativement – vite en bas!

On rejoint alors la route des Crêtes. Le panorama y est véritablement grandiose et l’on profite, qui plus est, des premières senteurs estivales. C’est alors un sentiment de grande liberté qui nous envahi ici. « T’es toute seule au fond de l’espace » Un pur bonheur, d’autant plus qu’on peut profiter de ce faux plat montant pour y dégourdir ainsi les gambettes. Ce qui renforce cette impression de liberté et me permet, accessoirement, de revenir sur un petit groupe de coureurs et de les dépasser tranquillement…… « c’est pour mieux qu’ils te rattrapent sans la descente suivante mon enfant« … eh oui, c’est le triste sort d’une parisienne qui s’aventure aux Pays des Maures!

_CB61079« Quelque chose vient de tomber... »! Bah oui pardi! Hop hop hop, on se relève et on relance! Surtout que j’ai ma troisième place à préserver,  ne l’oublions pas : la parisienne est fébrile dans les descentes pour dahus mais tenace. Je ne lâche rien et relance dans le faux plat montant qui suit et qui nous mène jusqu’au plateau de Lambert dont je n’ai pas vu les Menhirs, surement du à la fatigue et à la chaleur qui est maintenant bien présente. Il parait pourtant qu’ils etaient bien là,  beaux, grands et majestueux s’ érigeant vers le ciel de cette grande moquette herbeuse. 

En passant au ravito, je m’enquiers de la tête de la descente qui va suivre. On me rassure – « elle est facile« , on me chouchoute et on m’encourage à ne rien lâcher.  Un bénévole me rassure et m’explique ce qui va suivre tandis qu’une autre bénévole me remplit mon bidon de coca et une troisième,encore, me sert un verre d’eau pétillante! C’est ça aussi le TDM : des bénévoles aux petits soins, souriants et juste là pour les coureurs, généreux à l’image de ce pays des Maures. Je ressors du ravito requinquée et prête à en découdre avec les vilaines pierres qui ne manqueront pas de jalonner la descente! « Faudrait que t’arrives à ne plus penser à ça » ;) Et bien même pas peur! Elle est vraiment facile celle-là! La preuve, je cours tout le long!!! Et je ne me fais même pas dépasser!!! Magnifique! Et « on continue, encore et encore« 

_CB61081On se lance alors dans l’avant dernière ascension qui commence par un chemin large qui serpente tranquillement sous le soleil et sur lequel je m’efforce de courir tout le long, puis un « raidar dru dans l’pentu »! Mais dru de dru alors! J’adore…je préfère le monter celui-ci! …. Remplissage des bouteilles au ravito qui est quillé là, au milieu de nulle part, me semble-t-il. Apercevoir ces sourires au détour d’un virage d’une sente à plus de 15% sous un soleil de plomb et au milieu des genêts flamboyants a quelque chose de surréaliste. 

Surtout que concentrée sur l’effort,  je ne m’y attendais pas. Il est pourtant plus que le bienvenu ce ravito. Je n’ai croisé personne depuis une bonne heure maintenant et côté bouteilles, je suis à peu près à sec. Je ne serais pas très loquace auprès des bénévoles aux petits soins, comme toujours, car la fatigue est bien en place. On me chouchoute à nouveau, juste un grand sourire pour remerciements avant d’enquiller sur l’avant dernière descente.  Il reste un peu plus de 7 kilomètres. Ca me revigore, 7 petits kilomètres à relancer, à tenir….. « dis toi surtout qu’elle ne reviendra pas….. » 7 kilomètres… mais dis-donc, 7 kilomètres, ça va quiller dans les 1h ça!!! Allez, on ne pense pas à ça, on se concentre…. « dis toi surtout qu’elle ne reviendra pas….. »

Je laisserais le soin aux lecteurs, qui ne manqueront pas de participer au trail des Maures en 2015, de découvrir, sur place, la descente qui suit. Elle vaut le détour, si ce n’est ma volonté de préserver ma jupette « Anna Frost », je pense que j’aurais eu plus vite fait de la jouer en mode tobogan sur les fesses! Ou de négocier pour avoir le lot jupette + gambettes de cette belle athlète ;)…… Hop hop hop la montée…..2014-06-01 20.30.17je relance, avec mes précieux bâtons. Un groupe de randonneurs observant mon visage tendu, m’encouragent vivement « allez miss c’est fini, allez »… Je donne tout, conserver cette troisième place, un moyen pour moi de remercier Antoine, sa famille et son village pour l’accueil qui m’a été fait aux Pays des Maures..

Et enfin, je rejoins les 3 derniers kilomètres de descente que j’ai eu la bonne idée de reconnaitre la veille au soir. Malgré l’épuisement et l’émotion qui commence à déferler en moi sans que je n’arrive à la canaliser, j’accélère! Les ruines de la belle Eglise de saint Fons, un dernier dédale dans les rues du pittoresque Village de Collobrières, la traversée de la rivière et la dernière remontée vers la Ligne d’arrivée juchée en Haut des Rousses. Grand sourire, et une fois n’est pas coutume, beaucoup, beaucoup d’émotion…. Moi qui éprouve toutes les difficultés du monde a laisser transparaitre mes émotions dans le cadre sportif, n’arriverais pas a les refouler ce jour ci…. Ça faisait tellement longtemps…..

C’était beau, c’était dur et c’était chaud…. mais surtout que c’était beau, …..et je l’ai fait!

Si le Trail des Maures est remarquable de par ses paysages et la diversité des lieux traversés, que dire de l’après-course! Je vous le laisse découvrir lors de l’édition 2015 mais en quelques mots cela donne : dégustation de la fameuse bière à la Chataigne, repas fait maison offert à chaque coureur à l’ombre des pins en assistant à une remise des prix enjouée et ponctuée par l’orchestre du village. pom pom pom pom pom pom…. 

7Et sinon, cela valait le coup de tout donner pour conserver sa troisième place car les lots sont à la hauteur de cette journée paradisiaque : crème de marrons, jus de pomme, bière à la châtaigne, rosé du pays, poterie du pays, un énorme bouquet de fleurs multicolores….. et de l’huile pour un bain tonifiant au romarin….. je soupçonne les organisateurs d’avoir ajouté cela en dernière attention, au vu de ma démarche pour atteindre le podium, afin que la parisienne soit fin prête pour l’édition 2015 ;)

Et pour terminer…. comme un bonheur n’arrive jamais seul, ce week-end dans le sud fut l’occasion de nombreuses belles rencontres, celle de la famille d’Antoine qui m’a si bien accueillie, je sais maintenant d’où vient la gentillesse et la générosité d’Antoine, Laurie avec laquelle j’ai eu de bons fou-rires la veille et le matin de la course, dommage qu’une blessure soit venue entraver sa course, celle de Lisel et Thierry Merello d’une gentillesse rare – je reviendrais sur cette rencontre et le Livre de Lisel –  » sans faire de vagues » dans un  prochain billet, celle de Jean-Christophe, de Denis et aussi de mes sympathiques compagnons de course…

Alors, pour tout ceci, un immense merci à Antoine, Romain et Henri et à tous les organisateurs du trail des Maures, du fond du cœur. Ça faisait longtemps que je n’avais pas eu l’occasion d’éprouver autant d’émotions sur les chemins, alors merci. Et à l’année prochaine…

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far away over the rivers
far away beyond the hills
far away this magical journey
far away over the mountains
far away beyond the seas
far away in green valleys where the sun shows all its light
come with me follow me follow me my friends
for the land for the ground the misty forest
victory in my hands fight until the end
together forever to win the last quest….

Kerion


 

 

 Photos : Cyril BUSSAT, Trail des Maures, Magg’Nifique, merci beaucoup.

                           
                                                                           Agnès