Nico DUHAIL – Team Outdoor Poli – revient sur sa CCC

Nicolas, tu avais fait la TDS l’an dernier, cette année ton choix s’est porté sur la CCC. Pourquoi cette course ?

Tout d’abord, participer à une course du week-end UTMB est un privilège, étant donné le nombre de recalés au tirage au sort. J’ai la chance d’avoir une côte ITRA qui me permet d’éviter la loterie, donc j’en profite. L’ambiance qui règne sur ces courses est incroyable, les spectateurs sont motivés, le niveau global est très relevé, et toute la ville de Chamonix vibre au rythme de l’événement.

En 2018, j’ai participé à la TDS car je préférais prendre part à la course la plus technique. Ce fut une très belle course même si je ne suis pas passé au Passeur de Pralognan. Depuis, j’ai réalisé que je suis sans doute plus performant sur des profils plus roulants. J’ai donc voulu tenter ma chance sur la CCC. En outre, cela me permettait d’obtenir les points nécessaires pour participer éventuellement à l’UTMB 2020.

Après avoir pris le départ et fini chacune des deux (même si depuis le format de la TDS a évolué), peux-tu nous dire ce que tu en as pensé et quels conseils tu pourrais donner pour les futurs concurrents ?

C’est sûr que cette année la TDS était une autre paire de manche (145km – 9100m D+) : il fallait être sacrément costaud pour en venir à bout. L’an dernier, les 120 bornes m’avaient largement suffit, j’avais fini complètement lessivé. J’ai souvenir d’une magnifique course avec de superbes paysages. J’avais suivi le conseil de gérer jusqu’à Bourg-Saint-Maurice (km 50), mais ensuite j’avais dépensé trop d’énergie jusqu’au Cormet de Roselend, et la fin de course avait été très longue (en particulier le col du Tricot).

Cette année, j’ai choisi un peu moins long avec la CCC. J’ai trouvé le parcours vraiment peu technique : seule la montée vers la Tête aux Vents comporte de gros rochers où il faut un peu utiliser ses mains. Par contre, cela ne veut pas dire que l’on peut courir tout du long : il faut quand même se farcir 6100m de dénivelé positif, et je les ai bien sentis dans les cuisses ! Le tracé est peut-être un peu moins sauvage que celui de la TDS, mais inclut tout de même de jolis panoramas.

Dans les deux cas, ce sont des courses à ne pas prendre à la légère, il faut arriver bien préparé. Si vous n’êtes pas à l’aise dès que ça devient technique, je recommande plutôt la CCC (ou l’OCC pour une distance moins longue). À noter cette année, 39% d’abandons sur la TDS et seulement 26% sur la CCC.

Tu habites en région parisienne, parle nous un peu de ton entrainement. Je sais que depuis deux ans tu as inclus beaucoup plus de vélo dans ta préparation, est-ce que c’est bénéfique sur de telles distances ?

Durant la semaine, je m’entraîne du côté du Bois de Boulogne, autant dire que je ne fais pas beaucoup de dénivelé. À vrai dire, je fais plutôt des séances typées marathon (côtes courtes, seuil, piste). Parfois, j’ajoute une séance d’escaliers au Mont Valérien pour faire chauffer les cuisses. Mon entraînement trail se résume donc au week-end, pendant lequel j’essaye de faire des sorties plus vallonnées.

En effet, depuis ma fracture de fatigue en 2017, j’ai réduit le volume à pied en ajoutant des sorties à vélo. Je ne sais pas si c’est bénéfique au niveau performance, mais en tout cas je n’ai pas eu de blessure depuis un bout de temps (pourvu que ça dure). Le vélo me permet principalement de faire du volume et d’engendrer de la fatigue ; je réalise toujours les séances de qualité en course à pied.

Au niveau matériel, tu dois commencer à être rodé. Est-ce que tu fais encore évoluer certaines choses ?

Pas beaucoup d’évolution par rapport à la TDS l’an dernier. J’ai utilisé le nouveau sac Ultimate Direction HALO, plus léger que l’ancien Mountain Vest que j’avais auparavant. Les HOKA SpeedGoat 3 ont pris la place de la version 2. Une paire de chaussettes THYO Trail Aero qui fait des merveilles (pas d’ampoules). La nouvelle version de la tenue POLI (short Team Outdoor Poli CAIRN et maillot TOP GUADA). Niveau alimentation, j’ai utilisé à nouveau les barres et gels EAFIT, ainsi que la boisson moins de 3h à partir du dernier ravito. Néanmoins, j’ai également testé cette année les produits d’Alain Roche.

On a vu en suivant la course sur le live vidéo que tu étais bien placé sur les premiers kilomètres de course. Raconte nous un peu l’avant course et le départ.

Pour me rendre à Courmayeur, j’ai pris la navette comme l’an dernier. Arrivé bien en avance, j’ai réussi à trouver un bâtiment très calme pour faire une petite sieste avant le départ. Après un léger échauffement, je me suis placé sur la ligne de départ 3 minutes avant le coup d’envoi, juste à côté de Thibaut GARRIVIER, futur second. Je repère sur la ligne des gros clients comme Michel LANNE ou Benoît GIRONDEL.

À 9h, le peloton s’élance dans les rues de Courmayeur. Le rythme est bien plus élevé que l’an passé (je m’étais retrouvé à mener le peloton). Là je fais l’effort pour rester bien placé avant d’attaquer la montée vers Tête de la Tronche. Sous l’impulsion du chinois Jiasheng SHEN, l’allure est soutenue. Mais pas la peine de s’affoler, je suis à côté de Benoît, Thibaut, Tony MOULAI, et Luis ALBERTO HERNANDO est juste devant.

Après la première ascension tu passes 18ème. C’est plutôt bien placé par rapport à tes départs habituels. Tu es parti volontairement un peu plus vite qu’à l’accoutumée ou tu as pris ton rythme comme ça, sans te poser de questions ?

Pendant la montée, je me sentais plutôt bien, et j’essayais d’accrocher le groupe de coureurs devant moi. J’avais vraiment à cœur de faire un bon résultat sur cette course donc j’ai voulu rester un peu à la bagarre. Après coup, je regrette de ne pas avoir temporisé un peu plus pour terminer dans un meilleur état. J’aurais moins souffert dans les 3 dernières montées si j’avais mieux géré le début de course. Par exemple, l’espagnol Cristofer CLEMENTE MORA passe en 39ème position à ce pointage, et il me dépose littéralement dans l’avant-dernière ascension pour terminer dans le top 10.

Ensuite jusqu’à la mi-course, on voit que tu remontes progressivement jusqu’à la onzième place sans paraître forcer plus que ça. À Champex tu repars 11ème après un ravito express de 3 minutes. Le fait d’avoir eu une assistance cette année était un plus ?

Jusqu’à Arnouvaz, je ne connaissais pas mon classement. Je pensais qu’il y avait plus de monde devant. J’ai monté le Grand Col Ferret sur un rythme plutôt cool, avant d’attaquer la longue descente vers la Fouly puis Champex. Là encore, c’était trop tôt pour se flinguer les quadriceps donc je n’ai pas cherché à relancer. L’objectif était vraiment d’être encore frais après la mi-course, à Champex. Je retrouve alors Arnaud qui est là pour me faire l’assistance sur les 3 derniers ravitos. Son aide fut grandement appréciée, encore un grand merci ! À chaque étape, des flasques pleines m’attendaient, un grand verre d’eau gazeuse, et de quoi renouveler mes barres et gels.

C’est clairement un avantage d’avoir une assistance, rien que pour le soutien moral. J’ai également eu la chance d’avoir le soutien de Simon, Charly et sa femme sur plusieurs points de passage (membres d’ACCRORUN VILLEPREUX), ainsi que du fameux Matthieu BOURGUIGNON !

À partir de ce point, même les commentateurs sur le live annonçaient une fin de course avec une belle remontée, mais ça ne s’est pas passé comme prévu. Qu’est-ce qu’il t’a manqué pour rentrer dans le top 10 ?

Je me sentais encore frais à Champex, mais la montée suivante vers la Giète (quasiment 1000m de D+) m’a vidé de mes dernières forces. C’est vrai que d’habitude je me sens de mieux en mieux au fil de la course, mais pas cette fois. Je pense que j’ai eu un excès de confiance, je me suis senti plus fort que je ne l’étais réellement.

Il m’a sans doute manqué plus d’entraînement en montagne, car monter 40 fois la colline d’Élancourt n’est pas pareil que grimper 3 KV. Si je devais refaire la course, je partirais encore légèrement plus tranquillement pour pouvoir attaquer un peu plus dans les dernières bosses.

Les bâtons, du coup, on en parle ou pas :) ?

On peut en parler, en effet : dopage mécanique ! C’est vrai que Thibaut GARRIVIER était impressionnant quand il m’a dépassé dans la première côte en poussant fort sur ses bâtons. Mais cela nécessite de s’entraîner avec, et tant que je vivrai en région parisienne, cela n’arrivera pas. Donc pas de regrets à ce niveau-là.

Au final tu termines à la 15ème place, avec un temps sous les 12h. Content de ta course ? Tu t’es régalé ? Et l’année prochaine alors ?

La fin de course fut difficile, mais je n’ai pas complètement explosé. C’est vraiment dans les côtes que j’étais en difficulté, j’avais encore de bonnes jambes dans les descentes. Je suis d’ailleurs revenu sur mes concurrents dans la dernière descente, pour en dépasser un dans Chamonix et me faire laminer au sprint par Mario MENDOZA.

Je pense que le top 10 était jouable en étant plus prudent au départ. Le chrono sous les 12 heures est déjà pas mal, mais il y a moyen de gagner encore du temps. J’ai pris beaucoup de plaisir jusqu’à Trient (km 71), puis j’ai serré les dents dans chaque ascension.

J’attendais de voir le déroulement de la course pour éventuellement m’inscrire sur l’UTMB l’an prochain, mais je crois que ça n’arrivera pas. Je ne suis pas prêt à faire un entraînement encore plus costaud pour être prêt à parcourir 100 miles. Par contre, pourquoi ne pas retenter la CCC pour faire mieux, maintenant que je connais le parcours et que je sais à quoi m’attendre ?!

Si tu devais retenir uniquement un moment dans la course ?

Dans la première montée vers Tête de la Tronche, le peloton était encore groupé en file indienne. J’entends alors des cris d’animaux au-dessus de moi : je lève la tête et trébuche comme un idiot en manquant de faire tomber avec moi le chinois qui me précédait. C’était simplement ce blagueur de Luis ALBERTO HERNANDO (futur vainqueur) qui voulait amuser la galerie !

Combien de pizzas ingurgitées après l’arrivée alors ?

J’ai eu du mal à m’alimenter sur la fin de course. Seule la pastèque passait bien sur les ravitos. À l’arrivée, mon estomac n’était pas trop d’humeur à aller à la pizzeria. J’ai même fait l’impasse sur une assiette de cookies qui me faisaient de l’œil. J’ai quand même rempli mes poches de snickers en attendant des jours meilleurs !

Le lendemain par contre, ce ne fut pas la même histoire. Après une bonne nuit de sommeil et un petit KV en rando pour aller encourager Pau CAPELL qui en terminait, je suis allé défoncer le buffet proposé aux coureurs à l’UCPA.

Pour en revenir aux pizzas, 2 le samedi soir et 2 le dimanche soir soit un total de 4. En voici les intitulés pour les connaisseurs italiens :

  • Bianca Al Gorgonzola Con Pere E Noci Fresche ;
  • Ai Porcini, Scagliette Di Parmigiano E Rucola ;
  • Pizza Marco (asperges & speck) ;
  • Quattro Formaggi.

Est-ce que tu penses que dans 20 jours tu seras remis pour prendre ta revanche sur la Skyrhune ?

« Revanche » n’est pas le bon terme je pense ! L’objectif était d’être performant sur la CCC. Sur la SkyRhune, le format sera bien différent (21km et 1700m D+) et pas forcément adapté à mes qualités. De plus les adversaires ne seront pas les mêmes. Si je me suis inscrit, c’est pour l’ambiance folle qui règne là-bas, les basques ont l’air très chauds !

Un mot à ajouter ?

Bravo à Ced Gouz qui remporte ma belle polaire finisher : il avait pronostiqué ma quinzième place avec brio !

En tout cas bravo pour cette super course, on s’est régalés toute la journée à te suivre.

Merci à tout le monde pour les encouragements, sur le parcours ou sur les réseaux. J’ai déjà hâte de remettre le couvert l’an prochain !